Actuel meilleur buteur de Challenger Pro League à seulement 20 ans avec 12 réalisations, Thierno Barry est promis à un grand avenir. Pourtant, tout n’a pas été simple pour lui bien au contraire. Pour la Bande à Bonal, il revient sur son parcours atypique, porteur d’espoir.
Son envie de devenir footballeur
Cela s’est fait naturellement. Le foot c’est ce que je sais faire de mieux. C’est ce qui me donne le plus d’émotions. Je peux aimer, rire, pleurer, m’énerver, avoir mal. Quand tu aimes quelque chose tu ne peux pas le lâcher. Je veux aussi que beaucoup de joueurs se voient en moi. Qu’on s’inspire de moi et pour cela il faut être professionnel. Je n’ai pas eu un parcours facile, même vraiment atypique, avec seulement 1 an en club pro. Ce n’était pas le classique avec Clairefontaine ou le Pole Espoirs. Je veux que quand on prononce mon nom, on se dise qu’on peut faire comme moi, que je n’ai pas fait tous les clubs pro, que je me suis arraché en amateur.
Ça a été très dur pour devenir qui je suis. J’ai souffert. Je n’ai pas mangé tout le temps à ma faim.
Personnellement, je m’inspire de certains joueurs en regardant des vidéos sur YouTube et je veux être une source d’inspiration pour d’autres.
Son profil
Je suis physique et malgré mon gabarit (1m94 / 84 kg), je vais assez vite. Je ne me fatigue presque jamais. Je suis tout le temps en mouvement et je fais beaucoup d’appels. Je suis un buteur. Je percute beaucoup, je suis à l’aise balle au pied, j’aime dribbler.
Mon défaut serait surtout mon jeu dos au but. Pour pouvoir avoir une palette complète, si j’améliore la profondeur, je serais presque injouable. Une autre qualité à travailler, c’est être plus tueur. En Belgique, je serais à 20 buts sans mes ratés. J’ai une grosse marge de progression.
Pour en revenir aux inspirations, j’aime beaucoup Erling Haaland, c’est vraiment mon profil et Cody Gakpo, car on a un peu les mêmes capacités physiques.
Les débuts à l’AS Montchat et le 1er échec
J’ai commencé le foot un peu tard, en U11 dans mon club de quartier l’AS Montchat. Je jouais défenseur central et malgré cela, j’étais meilleur buteur de mon équipe. C’est ce qui a fait que les entraineurs m’ont avancé. J’ai joué d’U11 à U14 dans ce club. Ça s’est très bien passé. J’étais à côté de chez moi et aimé de tous.
J’ai ensuite quitté le club car j’ai voulu jouer à un plus grand niveau, voyant les joueurs de l’OL et voulant être à leur place. En U13, j’ai fait des tests au pole espoir de Dijon et je suis allé quasiment à la fin (2 tours restants).
Ce qui m’a freiné, c’est les notes à l’école. J’étais un bon élève, mais il n’y avait que le foot qui m’intéressait. Par exemple, je m’entrainais fort la veille et j’étais tellement fatigué que le lendemain à l’école, à 8h c’était mon heure pour dormir, rattraper mon sommeil et la fatigue… En fait, j’avais très vite fait les choix entre le foot et l’école. J’ai fait un sacrifice, car je connaissais mes qualités et savais où je voulais aller. Mais peu de personnes me faisaient confiance et croyaient en moi.
En U14, j’étais suivi de très près par l’OL et surtout le FC Nantes. Mais je pense ne pas avoir été bon au bon moment. Cela m’a beaucoup servi et c’est bien rentré dans ma tête, ce qui m’a permis de beaucoup apprendre.
Saint-Priest puis un 2e échec
Ensuite, j’ai rejoint l’AS Saint-Priest en tant qu’attaquant. Mais à cette époque, j’ai grandi d’un coup. J’étais devenu très lent, perdant mes capacités d’avant. Donc je suis retourné au poste de défenseur central.
Cette saison en U15 élite, au meilleur niveau donc, fut bonne. J’ai dû rater seulement 4 matchs. Puis s’en est suivie une saison en U16 R1. Encore une bonne saison. Un peu moins bien que la dernière, mais avec beaucoup de polyvalence (latéral droit mais surtout latéral gauche). A l’AS Montchat j’avais joué 6, 8, 10. Donc, en ayant découvert tous les postes de la défense cette saison, j’étais devenu très polyvalent. En U16 je fais un test à Clermont. Ça se passe très bien. On m’appelle 1 fois (test avec plusieurs joueurs). Je joue bien, mais je me blesse. Malgré ça, les recruteurs ont vu quelque chose en moi. Je refais un 2e test avec l’équipe.
Ça se passe bien : tu vois qu’il y a quelque chose, mais tu sais pas trop. On passe à la réunion et là on doit donner les bulletins scolaires. A ce moment, avec mon papa, on sait que ce n’est pas bon et on n’avait pas tort.
C’est donc le 2e échec. Il faut imaginer un gamin de 15 ans qui veut devenir footballeur professionnel, mais qui a déjà 2 échecs. Il peut très vite lâcher. J’avais aussi de l’extra sportif avec mes parents qui se sont séparés. Ça m’a un peu brisé. Ça a joué dans ma façon d’être, de penser. Mais j’étais assez fort mentalement, avec cette confiance en moi pour y arriver.
U19 National un rêve qui a pris du temps à se réaliser
Je reviens à Saint-Priest en U17 Nationaux. Je fais une saison pleine en tant que latéral droit. Je dois faire 1 but et 5 passes décisives. Les stats sont bonnes. Défensivement, je pense avoir fait également une bonne saison.
Malheureusement, il n’y a toujours pas de clubs professionnels. Je ne savais pas trop quoi faire car en U17 tu vois beaucoup de joueurs signer. Tu vois le bonheur chez les autres et tu te dis « quand est-ce que mon tour va arriver ?
J’avais un ami très proche, qui venait voir mes matchs, qui était entraineur et qui avait pas mal de
connaissances. D’ailleurs, c’est ce qui m’a un peu manqué. Par exemple, en U11, je ne savais pas faire la différence entre Montchat et l’OL ! Je voyais juste que l’OL avait plus que nous et je voulais être à leur place.
Idem sur les niveaux, je ne regardais que saison par saison.
Cet ami me dit alors de tenter de jouer en U19 Nationaux. Pour moi U19 Nationaux quand on était en U15 c’était la Ligue 1. Je me disais : « si tu atteins ça, c’est sur tu es pro ». Je pensais qu’il y n’avait que des clubs pros, mais il me dit qu’il y aussi des amateurs. On regarde et le plus proche de chez moi, c’était l’ASPTT Dijon. J’étais un peu réticent car l’ASPTT enchainait montée et descente. Dans ces conditions, c’est plus difficile de se faire voir. J’y vais quand même faire un test.
J’étais défenseur, mais je suis parti à Dijon en tant que 10. J’en avais marre du poste de défenseur. Je voulais revenir à mon poste de base. J’aime bien dribbler, faire des passes, être décisif. Ça s’était plutôt bien passé, mais l’entraineur ne m’avait pas fait confiance. Il a préféré prendre un joueur qui sortait d’un club pro (Amiens). Donc là, je suis refusé dans un club amateur : 3e échec ! Mais mon ami continue à y croire. On regarde à nouveau et on tombe sur Toulon.
Signature et apprentissage à Toulon
Mon ami me pousse à aller dans le Sud à Toulon faire un test. Je me souviens : c’était le 5 juin exactement. Je joue en position de 8, entre 10 et 20 minutes, et l’entraineur m’appelle lors d’une pause. Il me demande d’où je viens et à quel niveau je joue. Surpris, il me demande si j’ai déjà fait un club professionnel. Et puis il me dit : « tu peux appeler ton père pour lui dire qu’on te prend, on te fait signer ». Je signe donc à Toulon en U18.
Je joue très rapidement avec les U19Nat et on voit très vite que je me démarque des autres. J’ai eu la chance de tomber sur un entraineur qui m’a permis d’arriver là ou j’en suis aujourd’hui et au niveau où j’arriverai plus tard.
J’étais le meilleur de l’équipe, mais il m’a toujours fait comprendre qu’il ne me ferait pas de cadeau. Il pouvait me faire me sentir le plus mauvais de l’équipe car il était tellement exigeant avec moi que je ne pouvais pas me rater. Je n’avais pas droit à l’échec.
On avait un match contre l’AC Ajaccio. Je venais de marquer mon 1er but contre Nîmes lors de mon 1er match en U19Nat, donc j’étais impatient. Mais le coach me sort au bout de 20 minutes à la pause boisson. J’étais choqué. Ça a été comme ça pendant 2 ans. J’étais un excellent dribleur, mais aussi très simulateur. J’ai un gabarit fin mais grand et je tombais au moindre contact, même avec un petit. Ce coach m’a dit de me servir de mon physique. Il m’a poussé à gagner les ballons de la tête, à toujours m’arracher et à être toujours à fond malgré la fatigue. A ce moment, je le voyais de manière négative. Je pensais qu’il ne voulait pas mon bien. C’était vraiment choquant pour moi et pour tout le monde. Mais lui savait où il voulait m’amener.
Le voyage en Écosse
Je fais donc ma première partie de saison en U18 à Toulon. Ce n’est pas terrible : 1 but et 1 passe décisive en 7 matchs… Puis arrive un scout écossais qui était venu à nos matchs et qui était intéressé par mon profil. Il m’approche et me dit pouvoir me faire signer en Écosse si j’ai l’accord de mes parents.
Pendant le mois de décembre, après la Gambardella, je dois partir en Écosse un mois et demi. Ça devait être pour le Celtic Glasgow, mais je ne pouvais pas rater la Gambardella et si je la jouais alors j’arrivais un jour en retard en Écosse. Je décide de jouer et on se fait éliminer au 1er tour contre un club amateur. J’arrive donc en retard d’un jour en Écosse et Glasgow me refuse. C’était la 2e fois qu’ils m’appelaient. En octobre, le club avait refusé. Donc on a repoussé et ce retard était, cette fois, éliminatoire.
Le scout me dit de ne pas m’inquiéter, qu’il va trouver quelque chose. Je pars en test chez le dernier du championnat. A Toulon, je jouais 10, 8, 6, même ailier gauche mais j’étais plus milieu de terrain. Je me dis « en Écosse, personne ne me connait », je vais leur dire que je suis attaquant… alors que ça faisait trois, quatre ans que je n’avais pas joué 9. Je joue donc en 9, mais je n’avais pas mes capacités physiques : puissance, vitesse… Je n’avais que la technique, la vision du jeu, les remises… Mais ça se passe plutôt bien. Je fais deux jours avec la réserve. Aux tests physiques, je finis deuxième à la VMA. On sent que je suis au-dessus, donc je m’entraine très vite en pro, pendant 2 semaines. Au début, je devais juste faire un test et voilà que je passe un mois et demi en Écosse.
Au bout de ce mois et demi, il y avait l’école. Les vacances m’avaient aidé, mais là j’avais raté la semaine de
reprise. Ma mère me dit de revenir car j’avais mes épreuves d’E3C. Donc je reviens en France. Le scout me fait un debrief : je suis un bon joueur, mais que je dois prendre physiquement. J’étais bon dans le jeu, mais je devais
progresser dans l’impact physique, même si techniquement c’était très fort. J’attends la décision… et là arrive le COVID. Je pense que le COVID a tué plus d’une carrière ! Je pensais faire partie de ces joueurs, car mon test était
vraiment bon. Avec cet épisode, je n’ai jamais eu de réponse : 4e échec.
Moments de doute
A ce moment, c’est très difficile. Je cherche à rentrer en U19, mais c’est rare de signer quand tu es déjà U19, même si la tendance s’inverse dernièrement. Je commence à me dire « est-ce que tu vas vraiment réussir dans ce que tu veux faire ? » et à chercher des plans B.
C’était très compliqué avec le COVID en plus : tu ne peux rien faire, pas jouer au foot, pas sortir. Je restais chez moi. Je ne voulais plus sortir, plus jouer au foot. J’étais au fond du trou. Ma confiance en moi était vraiment partie. Je n’y croyais plus. Je regardais beaucoup les épisodes des clubs pro sur Youtube et je me disais « c’est quoi la différence entre eux et moi, je ne la vois pas ».
Mon père me poussait à jouer au foot, en dépit du fait qu’on ne pouvait pas sortir, car il voyait ma tristesse. J’allais jouer au quartier avec les grands au city. Mais si ça ne tenait qu’à moi, je ne serais jamais sorti. Je voulais arrêter le foot. C’est la seule fois où j’ai eu cette envie. C’était le moment le plus dur que j’ai passé. Je me couchais très tard vers 5-6h. Ça m’arrivait de venir regarder un truc de foot à la télé et je pleurais. Je n’étais vraiment pas bien. Pourtant, c’est très rare que je pleure. J’étais vraiment touché.
Signer à Toulon ou continuer l’école
Ensuite, on a pu retourner jouer au foot et préparer la saison suivante. J’ai eu plusieurs clubs de la région qui m’ont appelé pour les rejoindre, dont Istres. Je ne voulais pas trop retourner à Toulon. La première saison avait été très très difficile, notamment avec les retards de loyer. J’étais en résidence étudiante, donc c’est nous qui devions payer. J’ai raté beaucoup de cours à l’école. C’était également compliqué pour ma terminale. Je mangeais très très mal, au point de perdre du poids.
A Istres, le club me proposait la nourriture et le logement. Il y avait juste la licence à payer, donc je voulais aller là-bas. J’appelle mon coach de Toulon pour lui dire que je veux partir. Mais lui veut me garder. Il dit que le club va m’aider et me mettre sous contrat. Là, pour moi, ça devient intéressant. J’ai besoin de ce contrat d’un point de vue financier.
Donc je reprends la saison à Toulon. Arrivé au mois de septembre, je dois faire un choix : soit j’arrête l’école, soit je continue l’école et le foot, mais je n’ai pas le contrat. Le contrat proposé par Toulon est civique et m’oblige à arrêter l’école. J’appelle mon père. Je lui explique. Il est fier pour le contrat, mais c’est un grand blanc quand il apprend pour l’école. Puis, il me dit :
« Thierno, si c’est ça que tu veux faire et que tu sais que tu vas y arriver, alors il faut faire des sacrifices. Mais il faut toujours assumer ses choix ». Alors j’ai décidé de signer le contrat et d’arrêter l’école.
Un mystérieux agent et Sochaux
La saison U19Nat commence de manière très compliquée en matière de statistiques, avec 0 but jusqu’en octobre notamment. A ce moment, je reçois une demande d’un agent sur Instagram (JS Sports Agency). C’était l’agent d’un joueur de mon équipe. Il s’était abonné à moi, mais il n’était pas venu me parler. J’en parle avec mon coéquipier et mon coéquipier lui parle de moi sans que je lui demande. Je pense que quand c’est écrit pour toi, ta destinée est écrite, ça va aller quoi qu’il arrive.
L’agent vient me parler puis décide de venir me voir. Mais moi je suis toujours à Toulon, avec le même coach et les mêmes exigences. L’agent vient me voir contre Istres, comme par hasard, et moi je ne joue que 20 minutes.
Le coach me sort à nouveau à la pause boisson. Il voit quand même que je suis bon, que le coach est dur avec moi, mais que j’ai montré de bonnes choses, que j’ai des qualités et il me dit qu’il peut me ramener un club pro.
A ce moment, je joue derrière l’attaquant en faux 9 ou 10, mais une sorte de box to box, un poste un peu créé par mon coach où je dois défendre et attaquer un peu comme Antoine Griezmann à l’Atletico Madrid. Deux, trois jours après Istres l’agent m’appelle et me demande si je sais jouer attaquant car il a une porte à Sochaux et pense que mon profil peut les intéresser. Moi je me dis « Sochaux, waouh ! ». En plus, pendant les vacances, je
regardais un film sur eux : Comme un Lion. Encore le hasard ! Et, Sochaux, c’est très connu en formation, c’est fort. Il les appelle et revient une semaine après en me disant qu’il a obtenu un test et qu’ils vont contacter Toulon.
Sochaux malgré le COVID
Sochaux, via Philippe Raschke, vient me voir une semaine avant le test. Sur ce match, contre l’AS Cannes, je provoque un penalty et je marque. Je fais un très gros match et j’ai de bons échos. Mais au moment où je devais faire le test, Toulon repousse d’une semaine car on doit jouer contre le dernier en championnat. Mais la semaine d’après, c’est à nouveau le COVID. Et donc, fin de saison…
Mais , je suis plus fort mentalement, car j’ai déjà connu ça. Ça reste compliqué : on peut quand même s’entrainer, mais sans match. Donc personne ne peut venir nous voir. Je reviens à Toulon, je m’entraine avec la N2, où le club voulait me faire jouer en 6. Moi, je n’avais plus envie d’un poste défensif. Je voulais marquer. Ça se passe bien, mais je pense toujours à Sochaux.
Sochaux revient me voir à l’entrainement. Ils sont vraiment intéressés, mais cherchent un attaquant. Ils me trouvent au-dessus du lot à Toulon, mais se questionnent sur mon niveau chez eux. Ça n’a jamais été facile : on a toujours hésité sur moi. Je ne suis pas un joueur d’un jour, mais un joueur de confiance sur le long terme.
Philippe Raschke me fait monter en test à Sochaux. Ça s’est bien passé. Jean-Sébastien Mérieux aimait beaucoup ma mentalité. Grace à mon essai en Écosse, où je me suis entrainé avec des pros à l’âge de 16 ans, et mon coach à Toulon, j’étais devenu quelqu’un qui ne lâchait rien. Je me disais que si je ne signais pas à Sochaux, c’était fini.
Les autres joueurs m’ont bien intégré. J’avais de l’appréhension qu’on se dise que je venais prendre la place de quelqu’un, qu’on me rejette. Mais ça n’a vraiment pas du tout été le cas ici. Jean-Sébastien Mérieux me convoque dans son bureau et me dit : « Il y a trois possibilités : soit tu as été mauvais, on te le dit et c’est fini ; soit tu as été bon et on te fait signer ; soit on ne sait pas trop, mais on voit qu’il y a quelque chose. Pour toi, on hésite entre les deux dernières. »
La signature tant attendue
Je retourne donc à Toulon en attendant la réponse. Sauf que Toulon n’était pas d’accord que je parte à Sochaux !
Donc, j’ai été contraint de m’entrainer avec les U19 puis la réserve. Je ne pouvais plus aller en N2. Soit je signais à Sochaux, soit je jouerai avec la R1. C’était une punition. Je n’étais pas dans le projet, je voulais partir…
J’ai attendu un mois. Je voyais beaucoup de gens qui avaient fait des tests à Sochaux et qui signaient, dont des attaquants. Je me disais « Mon agent sait déjà, mais il ne veut pas me donner la réponse pour ne pas me décevoir ». Et puis, finalement, un mercredi, j’entrainais les petits à Toulon : à 8h30, le téléphone sonne, c’est mon agent. Il me dit que « c’est bon Sochaux veut te faire signer ». La sensation que j’ai eue à ce moment là est indescriptible. Je me disais « c’est pas possible, je suis dans un club pro ! ».
Toute l’année, je ne mangeais que des pâtes sans rien. J’étais dans la galère à Toulon. Je me dis que je vais en sortir. Le 24 juin, je signe à Sochaux. Là je comprends que c’est réel. Je viens pour jouer attaquant. Je me dis que c’est mon poste et que je change plus : je suis vraiment 9.
Une 1re partie de saison remarquable
J’ai la faculté de m’adapter très vite à l’environnement où je suis. Ce n’est pas donné à tout le monde. Et je pense même que ça porte préjudice à certains dans un groupe cette phase d’intégration… On commence la saison et je vois directement le changement, au niveau installation, équipements. Mais il y avait toujours une ambiance familiale, chaleureuse. C’est ce que j’ai aimé ici.
La préparation débute. Je marque 4 buts en 5 matchs. Un doublé contre Morteau et un contre Dijon, avec un joli but ! Je démarre donc fort la saison. Puis, c’est au tour du championnat. Et le problème à Sochaux, c’était les statuts. Moi, j’avais un contrat convention un an. Et, à côté, il y avait des contrats semi-pro et pro. Je me retrouve en concurrence pour un contrat pro en 9 avec Adama Niane. Malgré les sollicitations autour du coach, il a toujours su me récompenser. Malgré toutes les descentes de pro dans le groupe, il me trouvait une place. Il me faisait jouer ailier, même si je n’aime pas trop ce poste où je me sens loin du but et moins décisif, pour ne pas
me mettre sur le banc.
J’ai quand même marqué quelques buts (4-5) sur la première partie de saison, toutes compétitions confondues.
J’étais quand même décisif et j’étais tellement pressé de passer à l’étape supérieur, d’être pro. J’étais avec Sylvain Prcic comme agent à ce moment. Je me disais « pourquoi ça s’accélère pas ». J’insistais pour qu’il relance le club.
Le retour de Sochaux c’était : « Thierno, c’est un bon garçon, très bien éduqué, toujours travailleur. On n’a rien à lui reprocher. Il va être récompensé… » Depuis la préparation jusqu’en décembre, le club tenait ce discours.
La deuxième partie plus compliquée
Je pense que j’étais trop pressé. Vers la fin du mois de décembre, je commence à être atteint mentalement. Je me disais « le contrat pro n’arrive pas » et pourtant il y a tous les ingrédients pour. Je n’étais pas forcément suivi par la meilleure personne : lui était dans l’attente, alors que moi je poussais beaucoup. Ce n’était pas compatible. J’ai changé d’agent pour retourner avec ceux qui m’avaient aidé à signer à Sochaux. Il faut savoir que
j’ai fait deux mois (octobre et novembre) avec les pros. C’est aussi ça qui a fait que je me croyais déjà arrivé et que je voulais avoir ce contrat professionnel avant décembre.
Après les fêtes, je suis toujours dans le doute. Fin décembre puis janvier, février, mars j’ai mis 2 buts en 4 mois, alors que je marquais deux fois par mois environ avant. En matière de statistiques, c’était mauvais. Et sur le terrain, c’est pareil : j’étais méconnaissable. Cette période n’a pas joué en ma faveur. Sochaux a du se dire que j’étais un joueur avec une bonne phase et que je m’éteignais ensuite. Ça les a freiné, alors qu’ils auraient peut-être poussé pour que je signe pro, si j’avais été plus constant.
Et puis, d’autres joueurs se sont réveillés. C’est le cas de mon pote Elias Filet, avec qui j’étais en concurrence. Je ne le prenais pas mal. Encore aujourd’hui, c’est la personne avec qui je suis le plus en contact. Sur cette période, il marque 7 buts. Tout le monde est impressionné. Il y avait aussi Eliezer Mayenda et David Mokwa. A la base, j’étais devant eux. Et en quelques mois, je suis passé dernier. Ça a été très dur. Puis début avril : blessure. Tu sais que les décisions se prennent dans le mois. Ça arrive au pire moment. Je me doutais de ce qui allait ressortir, mais j’espérais encore un changement à la dernière minute. Au moment des décisions, je reviens de blessure et je marque deux buts en amicaux et deux en championnat. J’étais le meilleur buteur toutes compétitions confondues. Elias était le meilleur buteur en championnat N3.
La décision
A l’entretien, le coach me dit qu’il est très fier de moi sur ce que j’ai pu faire jusqu’en avril. Il n’a aucune reproche, même s’il m’a trouvé parfois un peu perdu. Mais il sent que je me retrouve. Je suis le meilleur buteur de l’équipe, il est content.
Puis, c’est au tour de Jean-Sébastien Mérieux. Il me dit que je suis un très bon joueur, capable de jouer sur tous les flancs de l’attaque mais qu’il ne peut pas signer tous les attaquants professionnels, sinon il l’aurait fait. Il nous dit que les quatre, nous méritons de signer pro. Mais, je comprends que ça ne sera pas pour moi.
Mais il me dit aussi que comparé à eux trois, il me manque encore 1 année de centre de formation pour signer professionnel et que je pourrais très vite monter avec le groupe pro si je retrouve mon état d’esprit d’avant décembre.
A cette époque, j’étais approché par Lens. Jean-Sébastien Mérieux était au courant, car Lens avait appelé pour savoir ce que comptait faire Sochaux avec moi. Il me dit : « on sait que tu es approché par des clubs qui s’intéressent à toi, c’est le foot, on est habitué ». Il me propose de rester un an en amateur, mais que je devrais très vite monter avec les professionnels. J’ai une semaine pour donner la réponse, mais il me dit que si je pars en test à Lens, l’offre disparait et que je ne pourrai pas revenir à Sochaux. Du tac au tac, je lui réponds que je ne veux pas rester en amateur, que je préfère aller chercher autre chose et faire l’essai à Lens. Lui était surpris que je n’utilise pas le temps de réflexion qu’il m’avait laissé. J’ai répondu dans le bureau directement, sans certitude derrière.
Il me dit que généralement les joueurs qui ne sont pas gardés ne jouent pas la fin de saison, mais que, vue la saison que j’ai faite, le joueur et la personne que je suis, il va me laisser faire le reste des matchs. Il a respecté ça.
Et je l’en remercie tout particulièrement, car, sans ça, je pense que je ne serais pas ou j’en suis aujourd’hui.
Il restait 8 matchs et je marque 7 buts. J’étais libéré d’un poids. J’avais plus rien à prouver à Sochaux. Je devais juste m’amuser. Je me disais que ce n’était que pour moi, pour le plaisir. J’étais inarrêtable à ce moment là.
L’essai à Lens et le contrat pro… à Beveren
La semaine après l’entretien, je pars donc à Lens. Je fais deux jours au lieu d’une semaine. J’ai fait un entrainement où j’étais un peu timide même si ça s’est bien passé. Ils ont vu mes qualités. Le lendemain, on joue contre Padoue, une série C, on fait 1-1 et je suis le buteur de la rencontre. Je fais un bon match, mais, en première mi-temps, je me fais mal au genou avec une entorse. Mais, je savais que si je ratais ce test, je n’aurais rien derrière. Donc j’ai continué et j’ai marqué en étant blessé. C’est mon mental : avoir galéré à Toulon, été en Écosse, tout ça fait que je ne pouvais plus abandonner. Je jouais en pleurant, en me disant que c’était ma dernière chance. Et ce but m’a fait tout évacuer.
Alaeddine Yahia de Lens me dit qu’ils ont vu des bonnes choses mais que je dois rentrer à Sochaux pour me soigner. C’est ce que je fais. Ça dure 1 semaine et je reviens avec le groupe à Sochaux, sans avoir de réponse de Lens. J’attends. Tout le monde s’attend à ce que je signe à Lens, même les joueurs là-bas, mais rien ne vient.
Mon agent m’appelle et me dit que Lens hésite. Ils ne veulent pas proposer de contrat amateur : c’est professionnel ou rien. Et ils ont déjà du monde en 9, dont Arnaud Kalimuendo. Ils regardent aussi à l’étranger.
Pour la réserve, c’est rempli également. Je comprends que c’est mort.
Comme j’avais plusieurs clubs qui me suivaient, je me dis qu’il faut que je reste patient et que j’attende de voir.
J’espérais aussi un retour de Sochaux, avec une proposition de contrat professionnel. J’étais bien ici. C’était mon club formateur. Il y avait mes amis, de bonnes personnes dans l’équipe mais Sochaux n’est jamais revenu sur sa décision.
On joue Valdahon Vercel, je mets mon plus beau but avec Sochaux : une magnifique passe de Skelly Alvero, j’amortis et je lobe. Il se trouve que Beveren était à ce match où je marque ce but et donne une passe décisive.
On arrive à la fin de saison et je n’ai rien. Au dernier match, le coach me dit que je ne suis pas obligé de partir et que si je veux rester il va aller voir Mérieux. Mais j’avais trop de fierté pour accepter, même si, en vrai, j’aurais bien voulu.
Mon agent m’appelle en fin de saison pour me dire que j’ai un club en D2 Allemande, un en D2 Espagnole, Beveren… et aussi Lorient, mais c’est la réserve. Il me dit que pour lui le meilleur projet c’est Beveren, que je vais grandir là-bas. C’est un club un peu familial comme Sochaux. Le projet pour la montée est sérieux, alors que Lorient c’est pour la réserve et ça va être plus compliqué.
La consécration en Belgique
Le 20 juin, je fais la reprise avec les pros à Beveren. J’ai l’envie de tout casser. Je commence fort : sur 6 ou 7 matchs amicaux, je marque 5 buts, dont 2 doublés, avec 1 but contre Genk.
Je fais un très bon début de saison, même si je suis un peu déçu de ne pas commencer titulaire en championnat.
Encore une fois, c’est les statuts. Je devais attendre, savoir être patient. Je me suis arraché à l’entrainement. J’ai travaillé et j’ai eu la chance d’entrer en cours de jeu sur le 1er match de l’année.
Après, ça s’est très vite enchainé. 2e match : première titularisation et premier but en professionnel devant les supporters. Et ça a continué. J’ai commencé à me faire une place au vestiaire, dans le groupe. Les gens ont commencé à voir mes qualités, mon potentiel. Très vite, le public m’a adopté comme le fils de Beveren. J’ai des
chants. Je ne comprends pas tout, mais en gros ça dit que je suis l’enfant de Beveren… et j’aime beaucoup. Je marche beaucoup à la confiance et quand il y en a partout autour de moi, je ne peux faire que du positif sur le terrain.
J’ai commencé à marquer, marquer et ça a fait beaucoup parler de moi. Je me dis que là je commence à faire quelque chose et que je ne peux plus me rater. J’ai envie de marquer à tous les matchs et de soulever le trophée à la fin de saison. Je veux aussi obtenir la récompense de meilleur buteur. Je veux aider l’équipe à monter en division 1. Si je suis meilleur buteur du championnat, j’aurais grandement participé. Je veux redonner à Beveren ce qu’ils m’ont donné : ils m’ont fait confiance. En une semaine et demie, je signais pro. Ils attendent la montée en division 1 depuis 3 ans. Je veux leur procurer ces émotions. J’ai déjà marqué des tops buts cette saison, comme celui contre Lommel dans le point de corner ou en pivot contre Molenbeek. J’ai marqué 3 doublés. Je me plais vraiment. Je n’aurais pas pu trouver mieux pour un début !
J’ai un coach qui m’apprécie beaucoup, qui me prend pour son petit, qui ne veut que mon bien. Ça m’aide
beaucoup parce qu’avec la confiance du coach je peux tout tenter, ça sera toujours réussi.
Je suis apprécié humainement. Je ne crée pas de problème. Aujourd’hui je suis en train d’écrire mon histoire petit à petit à Beveren.
Pour finir Thierno a souhaité vous adresser un petit mot :
« Si tu crois en toi et que tu es conscient de tes qualités, personne ne peut t’arrêter, même si on ne croit pas en toi. Nul ne peut fuir sa destinée. »
Toute La Bande à Bonal et moi-même remercions Thierno BARRY pour le temps qu’il nous a accordé et lui souhaitons une bonne continuation avec toute la réussite possible pour atteindre ses objectifs !