La nouvelle a été annoncée lors de l’émission Club Sochaux sur France Bleu : Bernard Maraval, responsable de la cellule de recrutement, est licencié du FCSM. On ne peut qu’être déçu de voir une figure emblématique du club ainsi « remerciée ». Les réactions des supporters sur les réseaux sociaux étaient cependant partagées. Voici, en quatre points, mon opinion.
Tout ce que l’on sait est qu’on ne sait rien.
La première leçon à tirer de cette affaire n’a rien à voir avec Maraval. Tout ce que l’on sait est que l’on ne sait à peu près rien. Pourquoi est-il licencié ? Que lui est-il reproché ? A-t-il commis une faute grave ? Qui prendra sa place ?
Pour quel projet ? L’organigramme sera-t-il modifié ? Nous n’avons aucune réponse à ces questions essentielles.
Et pour cause, les supporters ne participent aucunement à la gouvernance du club. Les projets d’actionnariat
populaires, tels que portés par l’association à la nantaise, sont régulièrement critiqués : « quand bien même les
supporters rentreraient au conseil d’administration, ils n’auraient jamais suffisamment de voix pour peser sur les décisions du club », dit-on. Certes, mais ils seraient au moins au courant de ce qui se trame, et, à défaut d’emporter une quelconque décision, garants d’une certaine forme de transparence. Laquelle nous fait bien défaut actuellement.
Pour autant, tout n’est pas noir dans la relation entre supporters et direction, puisque celle-ci est à l’initiative d’une réunion mensuelle, qui permet d’aborder tous les sujets. Tout cela reste cependant soumis à la bonne volonté de la direction et ne garantit aucun droit effectif pour les supporters.
Que penser du bilan de Maraval ?
Venons-en au sujet qui fâche. Maraval a-t-il bien fait son job ? Ou bien doit-il être tenu, au moins pour partie,
responsable des difficultés actuelles du club. Dans la discussion sur twitter @fastenfasten qui considère le bilan de Maraval mauvais m’a fourni cette image, qui résume les transferts effectués depuis son arrivée comme responsabledu recrutement. Manque le dernier mercato. Et @Vicodean1 me souffle dans l’oreillette qu’il ne faut pas comptabiliser 2011/12 : en juin 2011, Maraval était toujours au recrutement des jeunes du centre de formation, pas chez les pros. Il s’agit donc de la dernière saison de Genghini.
On voit bien qu’il y a des échecs – avec la saison 2012/13 Doubaï, Yartey, Traoré – en pole position de la loose. Mais aussi quelques coups réussis. Récemment, Ekambi ou encore Teikeu.
Pour essayer d’avoir une évaluation globale, je me suis amusé à affecter une note au transfert (-1 ; 0 ; 1) en
fonction de la qualité du joueur : – 1, le transfert est un échec ; 0, ni bien, ni mal ; +1, le transfert est une réussite. Je pondère ensuite (x2) en fonction du coût : -2 si le transfert a coûté inutilement cher, +2 si c’est une bonne affaire.
A l’évidence, tout cela reste hautement subjectif : non seulement, vous pouvez avoir d’autres évaluations que moi sur tel ou tel transfert, mais il est aussi clair comme de source qu’un autre mode de calcul donnerait un autre résultat.
Reste que cela nous oblige à réfléchir sur nos critères d’évaluations et que l’on peut espérer malgré tout qu’une certaine tendance se dessine.
Ces précautions prises, calculons ! Le résultat n’est pas si défavorable : j’obtiens un score de +4 sur les transferts bruts. Si j’ajoute ma pondération, en fonction du prix payé, j’obtiens un score de 14, qui souligne les bons recrutements opérés en Ligue 2 sur des joueurs gratuits.
Mon évaluation me donne donc à peu près autant de recrutement réussis que de ratés. Ce ratio est-il acceptable ? Le recrutement n’est pas une science exacte : quel pourcentage d’échec est admissible ? Il faudrait pouvoir comparer.
Comme on le voit sur le graph ci-dessus, il semble, de plus, que notre recruteur ait progressé, ou qu’il soit plus à son aise en Ligue 2 pour dénicher des joueurs à bon marché. Si le recrutement de Maraval porte sans conteste une part de responsabilité dans la relégation du club, avec les échecs majeurs de 2011 et 2012, il a plutôt fait du bon travail, me semble-t-il sur les saisons 2014 et 2015.
Se pose à chaque fois, de plus, la question de la décision prise. Revient-elle à Maraval ou à d’autres acteurs ?
Maraval précisait dans l’entretien à maligue2.fr que la décision est toujours collégiale. Il est par exemple facile de pointer les recrutements dus à Renard à l’hiver 2013, qui améliorent le bilan, sans que Maraval n’y soit sans doute pour grand chose (lisant le forum de planetesochaux, j’apprends que la venue de Pelé et Marange est à mettre au crédit de Maraval, j’ai donc mis à jour mon graph). Sans même parler, évidemment des limites budgétaires à Sochaux ou du fait que les joueurs recrutés au final n’étaient pas forcément les premiers choix sur la liste.
Dupont ou Durand ?
Le petit exercice précédent nous donne un tableau qui n’est pas aussi défavorable que certains semblent le penser. Le timing de ce licenciement pose question, alors que les dernières saisons étaient plutôt réussies, selon mon estimation, pour la cellule de recrutement.
Sur le fond, ma position est la suivante : je ne vois pas l’intérêt de remplacer Dupont par Durand, Maraval par un autre responsable au même profil. J’ai plutôt tendance à penser que le travail de la cellule de recrutement peut sans aucun doute être amélioré, à la condition d’y mettre les moyens et de repenser son fonctionnement.
Sochaux travaille avec deux recruteurs Raschke, en complément de Maraval, de manière artisanale, ce qui est le lot de presque tous les clubs français. Pour comprendre à quoi ressemble le boulot, on peut se référer à l’entretien déjà cité de maligue2.fr.
La cellule sera-t-elle réorganisée pour tirer profit, par exemple, de l’usage des statistiques et bases de données ? @Pguardiole pointait sur twitter, à la suite de la publication de l’article, vers l’extrait d’un livre qui décrit la méthode Kaenzig à Leverkusen et qui donne corps à l’hypothèse d’un changement de stratégie. A l’inverse, s’il s’agit simplement de remplacer Maraval par un ancien joueur au profil et aux méthodes équivalentes, à quoi bon ?
Le scénario parano
L’ignorance dans laquelle nous sommes des raisons de son licenciement, comme du projet auquel cette
décision répond, pousse au pessimisme. Après le départ de Pernet, c’est un nouveau poste clé pour la vie du club, où la continuité est rompue. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais comme je l’avais relayé, dans un entretien pour les supporters strasbourgeois, l’inquiétude est vive quant au rôle des intermédiaires (Gerber, Jawhar notamment) dans la reprise du club par les Chinois de Ledus. Ces intermédiaires se sont, en effet, si l’on en croit les articles parus dans la presse régionale, présentés à plusieurs reprises comme étant mandatés par le club, alors qu’officiellement il n’y en est rien (voir par exemple, cet article dans l’Alsace).
Si l’on veut faire de l’argent facile dans le football, c’est au niveau de la cellule de recrutement que cela se passe. Le fait que le club soit sous propriété de Peugeot a peut-être, en partie, protégé le club de l’environnement véreux du foot business actuel. Aujourd’hui cette barrière a sauté. Verrons-nous ces intermédiaires s’imposer dans la politique de transfert ? Le mercato d’hiver sera un véritable test. Mais pour l’instant, la seule chose certaine est que nous ne pouvons être certains de rien.
Crédit photo : France Bleu Belfort-Montbéliard